« Nous avons fait beaucoup de pèlerinages et il y a parmi nous de vieux scouts ! Des gens qui sont habitués à vivre un peu à la dure. » Deux lits de camps en bois qui en ont vu d'autres, un peu de lecture, quelques vivres et des bouteilles d'eau... Cela fait plus de deux semaines maintenant que des tenants de la messe en latin - entre une vingtaine de personnes et une demi-douzaine selon les sources - vivent jour et nuit dans la petite sacristie de l'église de Niafles.
Une chose semble certaine dans ce feuilleton au long cours qui dure depuis près de trois mois : ces traditionalistes ne quitteront pas les lieux tant que l'évêché ne sera pas revenu sur sa décision de mettre un terme à plus de quarante années de messe en latin. Au grand dam des autorités religieuses et civiles.
« On lit son chapelet, les journaux... »
« J'ai dormi ici une fois. J'ai dû garder ma veste, mais c'est assez confortable finalement », assure Marie-Neige, 73 ans. Dans cette sacristie au confort spartiate, le silence est juste troublé par les oiseaux et le bruit des voitures filant sur la départementale qui relie Craon à Saint-Aignan-sur-Roë. « Nous sommes ici sous le regard de la Sainte-Vierge et de notre vieux curé [NDLR : l'abbé Chéhère, prêtre traditionaliste a officié pendant plus de quarante ans à Niafles. Il est décédé au mois de mars, à 94 ans]. D'habitude, on n'a pas le temps de réfléchir dans la vie. Là, si. »
Aux côtés de Marie-Neige, Claire, 18 ans. Cette étudiante a terminé ses cours et passe une bonne partie de son temps libre ici. « J'en profite pour réviser mon code. Je suis en vacances et j'essaie d'être là le plus souvent possible. Il y a des créneaux de présence et les gens s'adaptent selon leurs disponibilités, explique la jeune femme. La nuit, ce sont en général les plus jeunes qui restent ; en journée, ils ne peuvent pas car ils travaillent. On se relaie. »
Et pour les courses ? « On prévoit des pique-niques. » Sinon, « il y a la petite épicerie, de l'autre côté de la route », complète Marie-Neige. Les journées des occupants de l'église se suivent et se ressemblent. « On discute, lit son chapelet, les journaux, son courrier, etc. » expliquent-elles. « C'est bien de garder un temps pour la prière, mais on ne fait pas que cela non plus », précise Claire.
La semaine dernière, le maire de Niafles se disait « usé » par cette situation. Hier, Michel Montécot disait ne plus avoir « rien à dire » sur le sujet. « J'ai remis les clefs à l'évêché. La municipalité n'est que le propriétaire des murs. Le contenant, c'est à l'évêché de le gérer. » Au bar-resto-épicerie Le Tournesol, on serait presque fataliste. Cette histoire d'église occupée et de messe en latin est « un sujet de conversation, parmi d'autres. Vous savez, cela fait près de trois mois que cela dure... »
Mikaël PICHARD.